Autour de l'ouvrage "Anatomie et physiologie des univers"

Commentaire de Nicole, lectrice assidue

— Il semble que tu aies trouvé un équilibre entre ta vision de l’univers et ce que tu es : un cours moment de bouillonnement dans un point quelconque des espaces et des temps. 

 

J’envie ton calme qui me paraît être la condition d’une progression. 

 

Donc, tu jongles entre la conscience du tout et le présent (ici et maintenant) à administrer. Maniement qui me paraît praticable pour les sages-savants/ermites.

 

Je ne comprends pas comment toi, qui n’est pas un ermite, tu te débrouilles : je te vois en famille ou en société : soucieux de la bienséance et du confort, en gros de la bonne gestion du quotidien. 

 

Nicole ARNAUD


Discussion/interview avec un visiteur

Mon visiteur avait posé un cahier spirale sur ses genoux et le tapotait du bout de son crayon bille. Nous avions pris rendez-vous par téléphone. Il représentait un magazine tendance new- Age, branché sur l’ésotérisme.

J’avais mis mon portable en enregistrement.

 

— Vous êtes dans l’astrophysique?  Spécialiste ? Un homme de science ? Diplômé, reconnu par vos pairs pour vos compétences ? Aurélien  Barreau, André Brahic, Albert Jacquard…Vous n’allez pas nous submerger d’équations et raisonnements mathématiques ? Nous parler d’Einstein, de la relativité, des quanta, du Big bang, de la naissance de l’univers et de son fonctionnement ? Des trous noirs ? 

 

Ce mitraillage offensif m’a fait sourire. Le bonhomme ne croyait pas à ce qu’il disait. Il récitait et jouait l’attaque pour me faire réagir… ou pour se protéger ?

 

— Bravo ! Inévitable provoque. Vous savez que je n’ai aucune compétence scientifique et votre introduction est une mise en doute immédiate de ce qui va être exposé. Vous ne me connaissez pas. D’où sort cet inconnu éclairé…que dis-je ? Cet illuminé qui va nous confier les secrets du cosmos ? Prudence légitime : le titre de mon ouvrage nous oriente directement vers un bilan scientifique…et vous prenez vos précautions ! Je suggère que nous entrions dans un dialogue décontracté… 

 

Enfin, nos regards se croisent et je le vois se détendre.

 

— Vous avez vu qu’il y a un sous-titre : «  une autre façon de voir le monde ». C’est plus modeste.

— Effectivement ! Et c’est votre approche philosophique qui nous a intrigués.

— Parfait ! Je vais pouvoir préciser l’intention de cet essai et vous saurez qui je suis. 

— Nous avons déjà noté que les religions vous intéressent. «  Dieu au naturel », « L’évangile libertaire », même votre roman fiction «  Au val sans retour » réhabilite la mythologie celte… enfin… un état d’esprit.

— Vous avez tout lu ?

— Oui. 

— Et vous en pensez ?

— Vous ne croyez pas en ce Dieu créateur, mais vous êtes en quête du divin. Paradoxe ! Si on adhère à votre démonstration, dans ce livre- ci, Adonaï, Yahvé et Allah se volatilisent et nos trois monothéismes occidentaux s’effondrent. Ils ont perdu leur base fondatrice - l’éternité – que vous avez déplacée, d’eux à nous ! Pour vous, c’est une vraie bombe ! Une sorte de seconde révolution copernicienne… On a changé d’orbite ! Enfin…Si l’on croit au poids des idées. Mais pour beaucoup, une idée en vaut une autre. C’est la démonstration par l’expérience et par la preuve qui donne de l’importance à…Une hypothèse !

 

Il a tout compris. Rien à ajouter, mais je sens une réticence... J’ai un doute

 

— Vous n’êtes pas convaincu…

— Si ! Si ! Je suis même d’accord avec vous et je pense que ce retournement de situation nous sort de l’illusion, mais il n’est pas dit que ce soit pour demain. 2,2milliards de chrétiens dans le monde, suivis de près par les musulmans qui seront majoritaires en 2070, et en ajoutant les bouddhistes et les hindous, huit habitants sur 10 sont affiliés à une religion… Croyez-vous qu’ils seront sensibles à votre logique ?

— Attendez ! N’allez pas plus loin…vous êtes en train de me dire que mon boulot est inutile et que ce n’est pas une bombe mais un pétard mouillé ! Pourtant, on a bien fini par admettre que c’est la Terre qui tourne sur elle-même et autour du soleil ?

— Non, tout ce qui est vrai est utile, mais il faut être réaliste et prendre la mesure de vos moyens de diffusion. Permettez-moi la franchise – Vous êtes inconnu, solitaire, vous n’avez aucun groupe de soutien, il vous faudrait devenir la tête d’affiche d’un énorme scandale pour qu’un Editeur envisage une vente suffisante. Ce n’est pas votre contenu qui est faible, c’est votre incapacité à le communiquer largement et puissamment.

—Mmmm… J’entends ce que vous dîtes. L’idée était si forte que je m’en suis monté la tête ?

— Avant de prendre des responsabilités dans ce magazine, j’étais Psy et j’avais étudié ce phénomène, cette exaltation qui ressemble à une ivresse qui emporte un Auteur à la fin d’un effort cérébral de plusieurs semaines. A ne vivre qu’avec les idées, il en oublie la présence du monde environnant. Il s’en abstrait et ne croit plus qu’en la puissance magique des idées. Je pense que notre dialogue arrive à point pour vous rappeler le concret.

— C’est bien vu… Décourageant mais juste. J’écoute et je suis en train de tomber de ma tour… d’y voir trop loin ! Je vivais la très bizarre impression d’avoir changé de monde. Quand je voyais à la télé ces millions d’adorateurs se prosterner devant leur idole, je réalisais que nous étions toujours en préhistoire de civilisation, ou dans une sorte de moyen âge…dont je n’étais plus ! Je ne me sentais  plus de ce monde-là ! Je l’éprouvais dans mon corps, j’appartenais à un futur inexistant. J’avais changé de millénaire.  Cela me procurait une sérénité visible. Une amie qui venait de lire le bouquin m’a demandé d’où je venais ? Extra terrestre ? 

— Illuminé ! C’est le danger qui peut dévaluer vos raisonnements les plus stricts. Ce serait dommage.

—   Alors, qu’est-ce que j’en fais ?  Quel conseil me donneriez-vous ?

¬  — Vous reconnaissiez tout à l’heure que votre apport critique ouvrait un grand vide :        « La mort de Dieu » en tant qu’idole – selon Nietzche. Allez-vous laisser les choses en cet état de vacance ? 

— Non. Vous avez raison de me le rappeler, je reste en quête d’une réalité occulte, vivante et agissante que la ferveur des croyants devine présente sous la fiction de l’idole. J’aimerais la débusquer et la décrire. Donc, un troisième et dernier bouquin s’impose. Je vais m’y mettre !

 

La suite du dialogue fut agréable. Nous avons dégusté une bonne bière…Puis me souvenant que le portable enregistrait toujours, je l’ai éteint.

 

— vous avez enregistré nos propos ?

— Oui, mais vous aurez un droit de regard sur la restitution.